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The Australian and New Zealand Association of Antiquarian Booksellers

La Fondation de l'Association des Libraires d'Ancien d'Australie et de Nouvelle-Zélande

Ce court mémoire fut présenté sous forme de livret aux présidents participant à la réunion de la LILA des Présidents des Associations Nationales, qui a eu lieu pour la première fois en Australie, en octobre 1997.

Un mémoire personnel par Kenneth Hince


Ce court mémoire fut présenté sous forme de livret aux présidents participant à la réunion de la LILA des Présidents des Associations Nationales, qui a eu lieu pour la première fois en Australie, en octobre 1997.

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Quand l'ANZAAB vit le jour en 1978, c'était dans le but de promouvoir le marché du livre en Australasie grâce à la tenue de foires à intervalles réguliers. C'était un des buts, mais non le seul, qu'elle s'était fixé dans le but de porter les livres et les libraires à l'attention du public.

A l'époque, le marché était informe. Tout d'abord, la frontière entre les bouquinistes et les libraires d'ancien n'était pas bien définie. Nous avions pourtant quelques libraires d'ancien comme Gaston Renard, Robertson & Mullens, A. H. Spencer à Melbourne, Jimmy Tyrell et surtout Angus & Robertson à Sydney. Une des réussites les plus remarquables de ces derniers a été de constituer ce qui allait devenir notre principale bibliothèque de documents nationaux - la Mitchell Library, au sein de la Bibliothèque d'État de la Nouvelle Galles du Sud. Angus & Robertson fut le principal agent du collectionneur David Scott Mitchell: quand le gouvernement de l'État eut la stupidité de refuser le don que Mitchell fit de sa bibliothèque, ce fut George Robertson qui lors de l'enquête publique démontra l'absurdité de l'attitude de l'administration.

Mais en 1978, Spencer et Robertson & Mullens avaient disparu en tant que libraires d'ancien, et Angus & Robertson, venant tout juste de produire leur important catalogue de vente de la Ingleton Library, était sur le point de se transformer en supermarché du livre neuf, tel qu'on en voit beaucoup aujourd'hui. Certes, il y avait un certain nombre de membres australiens de l'Association Anglaise, l'ABA (Int.): mais en fait le marché australien était constitué d'un groupe hétéroclite de marchands, chacun travaillant avec son propre code éthique (quand il en avait un), dans un climat dominant de bouquinerie. La jeune ANZAAB voulait y mettre de l'ordre et le fit ultérieurement. Mais pour commencer, les foires avaient notre priorité car on attendait d'elles un important impact sur le public.

Toutefois, l'ANZAAB n'eut pas à en inventer le concept, car il existait déjà en Australie. La première foire eut lieu à l'Université de Monash en 1972. Je m'en souviens bien… mais en racontant ce passé, il faudra que je relate une bonne partie de ma carrière personnelle, c'est la raison pour laquelle j'ai qualifié ce mémoire de personnel.

Après quelques années de courtage, métier plus profitable alors qu'aujourd'hui, car à l'époque bien peu de libraires chinaient chez les confrères, et après avoir produit un catalogue de fond de cour, j'ai ouvert ma toute première petite librairie sur Bourke Street Hill en 1959.

En 1967 j'eus la chance de rencontrer John Maggs et John Lawson, qui visitaient ensemble l'Australie pour la première fois. Maggs était venu pour racheter à une famille locale une lettre manuscrite d'Élisabeth I que son entreprise avait vendue une ou deux générations plus tôt. Par ailleurs, tous deux cherchaient à prospecter les achats en Australie. Lawson acheta chez moi une quantité importante d'ouvrages sur Malte que j'avais acquis auprès du descendant du Consul Honoraire. Maggs fit peu d'achats chez moi, mais je pus lui prêter un coin de mon bureau ainsi qu'une assistance administrative. Il me le rendit au centuple plus tard à Londres. Lors de mon premier voyage en 1968, John m'ouvrit non seulement grandes ouvertes les portes de sa librairie de Berkeley Square, mais aussi celles de sa maison. Ainsi se nouèrent des liens d'amitié qui se sont renforcés au cours de ces trois dernières décades. Avec John Lawson, j'ai également noué des liens solides, jouissant de son hospitalité d'abord à Sutton Coldfield et ensuite à Didcot, ayant ainsi accès tôt dans ma carrière à un catalogue riche et intéressant.

C'est John Maggs qui, lors de ce voyage, me suggéra l'idée de former une Association de Libraires d'Australasie. A l'époque, j'en avais simplement discuté avec quelques confrères. Mais en 1972, quand je devins (je crois) le premier libraire australien à exposer à Londres à l'occasion d'une foire de l'ABA, une curieuse suggestion me fut faite par un groupe de trois libraires dont Maggs ne faisait pas partie. Le trio avait à vendre le seul manuscrit de la "Première Flotte" encore en mains privées, écrit pendant le voyage vers l'Australie. Il s'agissait du journal de Arthur Bowes Smyth, chirurgien à bord du Lady Penrhyn, et n'avait pu être vendu en Angleterre car le principal client du trio avait en horreur toute mention de bagnards. Aimerais-je ramener le manuscrit en Australie et tenter de le vendre moyennant une commission?

Mais bien sûr! J'avais déjà reçu une invitation de l'Université de Monash pour organiser une foire dans la salle Robert Blackwood. La première foire australienne du livre eut lieu à la fin du mois d'août en 1972, après quelques mois de préparations rendues difficiles par notre manque d'expérience et l'imprévisibilité des problèmes qui nous attendaient. Elizabeth Campbell, qui est aujourd'hui à son compte mais qui à l'époque était ma secrétaire, abattit à elle seule le plus gros du travail, mais elle fut tout de même aidée par quelques libraires de Melbourne. Le manuscrit Bowes Smyth fut le clou de la foire et nous attira une publicité colossale. La presse, la radio et la télévision en ont tous parlé, donnant ainsi à la foire beaucoup d'importance.

Jusque là, tout allait bien. Quant à moi, j'avais très envie de vendre ce manuscrit. Finalement j'échouai, car Sir Rupert Hamer, alors à la tête du nouveau gouvernement libéral de Victoria, ne fut pas à même de persuader l'administration de la Bibliothèque de l'État de Victoria de l'importance du document… ou peut-être n'en était-il pas lui même convaincu. Un de mes meilleurs clients, Rodney Davidson, forma un comité de soutien d'environ 10 personnes, prêtes à souscrire chacune la somme de $1000 afin d'acheter le manuscrit pour la bibliothèque, à la condition que je diminue substantiellement ma commission et que le gouvernement accepte de régler le solde. Effectivement, le manuscrit aurait pu ainsi être acquis pour un montant d'environ $25,000. Aujourd'hui cette somme semble bien dérisoire. Le bibliothécaire, Kenneth Horn, soutint le projet avec enthousiasme, et se rendit en délégation avec Davidson chez le Premier Ministre. Leur visite fut suivie par un long silence, finalement rompu par un refus. Davidson dissout le comité de soutien, et le manuscrit finit par être vendu par le Major Spowers de chez Christies, au prix initial que j'en avais demandé.

En attendant, nous avions quand même réussi notre foire. Nous étions 10 exposants, y compris Bernard Quaritch de Londres qui était représenté par Jocelyn Baines. Les emplacements des stands furent tirés au sort. J'eus par hasard le meilleur stand, au beau milieu de l'entrée principale, mais je m'empressai de l'échanger avec Quaritch qui se serait sinon vu reléguer au fin fond de la salle. J'étais au balcon-mezzanine dominant la salle, et je me souviens avoir vu Baines et mon vieil ami Reg Longden en train de monter le stand Quaritch et malencontreusement laisser glisser une pyramide massive en verre, qui se pulvérisa en projetant des éclats sur tous les autres stands. Je me souviens aussi de l'élégance du stand de James Dally, qui avait apporté de Tasmanie une belle collection de pamphlets; que les livres de Berkelouw de la Nouvelle Galles du Sud s'étaient égarés, et que son stand avait été garni par les contributions des libraires locaux; et que mon sacrifice du meilleur stand permit à Renard, près de l'entrée, de vendre sa série des voyages de Cook, alors que mon exemplaire, plus beau et surtout moins cher, me resta sur les bras.

Des pourparlers informels en vue de la constitution d'une association australienne avaient commencé avant 1972, et la foire avait certainement ravivé ces projets. La deuxième faire nationale eut lieu en 1974, à la Bibliothèque Fisher à l'Université de Sydney. Invités par la Bibliothèque Fisher et l'Association des Bibliothécaires d'Australie qui se réunissaient à l'Université, nous avons pu faire en sorte que notre foire coïncide avec cette réunion. Les exposants avaient été conviés au dîner inaugural de cette réunion, et je me souviens clairement de cette occasion, car l'orateur n'était autre que le collectionneur, éditeur, imprimeur et célèbre bibliophile, Walter Stone. Pour une raison mystérieuse, il utilisa son discours pour lancer une attaque en règle contre le commerce du livre en Australie, ce qui m'obligea à improviser une fougueuse réplique. J'ai souvent regretté depuis que nous n'ayons gardé aucune trace de ces deux discours. Je n'ai pas toujours compris les motivations de Stone, mais son manque de tact semble évident.

En tous cas, cette deuxième foire a favorisé la création de notre association. Pendant cette foire de mai 1974, une réunion de libraires élit un comité chargé de préparer les statuts de la nouvelle association. Le 25 juillet, une nouvelle réunion eut lieu dans le salon privé du Society Restaurant de Melbourne, afin de la faire coïncider avec une vente publique de Leonard Joel. Le 1er août, j'adressai une circulaire à 52 libraires australiens et néo-zélandais, les avisant de la tenue de la troisième réunion à Sydney fin octobre, pour la faire coïncider avec une vente de Christies, en espérant que la nouvelle association pourrait enfin être formée. Cette idée en tête, je pris une suite à l'Hôtel Menzies à Wynyard Square, et me rendis à la vente Christies, mais mon espérance fut déçue dans un premier temps.

Pendant les deux années de pourparlers préliminaires, couvrant à peu près la période des deux premières foires, une importante divergence de vue avait surgi parmi les libraires, pour savoir qui serait admis dans l'association. J'étais moi-même persuadé que l'adhésion devait être ouverte à qui en ferait la demande. Gaston Renard était partisan d'admettre uniquement les libraires à la réputation bien établie.

Renard et moi discutâmes sur ce sujet longtemps et souvent. Je me souviens d'au moins deux séances dans son appartement de South Yarra qui commencèrent après dîner pour se terminer après le petit déjeuner. J'arguais qu'il valait mieux avoir tous les libraires au sein de l'association, afin de lui donner une grande assise et de pouvoir contrôler l'éthique du métier sans provoquer la création de deux classes de libraires. Le point de vue de Renard était que bien des libraires n'observaient pas les règles internationales, et ne pouvaient donc être admis dans notre nouvelle association. Ses observations concernant le niveau de certains libraires étaient justifiées, mais j'étais persuadé que ceux-là refuseraient de nous rejoindre: le marché pourrait facilement s'accommoder d'une part de l'existence d'une association qui garantirait un label de qualité, et d'autre part d'un groupe de libraires qui choisiraient de rester en dehors de cette association.

En fait, Christies avança la date de la vente qui eut lieu à l'Hôtel Wentworth à Sydney, le mercredi 25 septembre 1974, avec Major Spowers officiant; les livres provenaient entre autres des collections du Major P. Miller-Mundy et de Lord Montagu. J'avais encore ma suite au Menzies où, le soir de notre réunion, une quantité de libraires s'entassa. Ayant finalement convaincu Renard, j'étais confiant de voir ce soir-là la naissance de notre association. Nous avions fait circuler un projet de statuts et noté les modifications suggérées. Il ne restait donc qu'à ratifier le tout, faire connaître notre existence à l'ABA (Int.), et demander notre adhésion auprès de la LILA. Cela qui nous aurait donné le cachet officiel d'unique association régionale reconnue internationalement, et aurait donc empêché tout libraire australien de pouvoir adhérer à l'ABA (Int.) à moins d'être préalablement membre de notre association.

Mais la réunion au Menzies fut un véritable fiasco. Au lieu d'être une rampe de lancement de notre association, elle dégénéra en une violente dispute. L'opinion de Renard s'était renforcée, et malgré ses promesses, son intervention précisa son refus de se joindre à une association ouverte à tous, voire d'approuver la création d'une telle association. Il alla même jusqu'à nommer quelques libraires, certains d'entre eux se trouvant parmi nous, dont il n'approuvait pas les pratiques. Ses remarques désobligeantes étaient sans doute fondées, mais le moment fort mal choisi. L'atmosphère s'alourdit singulièrement et la réunion devint incontrôlable. A tel point que Renard fut convié par un libraire de Sydney à venir faire le coup de poing dans le couloir, pour aplanir leur différend. Par ailleurs, un autre libraire de Sydney tenta de faire chanter James Dally, qui avait discrètement émis des réserves concernant un libraire déjà membre de l'ABA (Int.), le premier menaçant d'user de son influence auprès des bibliothécaires afin de gêner le commerce du second, s'il n'acceptait pas de se joindre à notre association. De tous les libraires présents dans la pièce, voire de tout l'hémisphère sud, Dally était certainement la dernière personne à menacer. D'autres insultes furent échangées, alors que fusaient ici ou là des rappels à l'ordre et à la raison. Le coût de ma suite ainsi que les efforts engagés s'envolèrent en fumée, et la réunion se termina dans le plus grand désarroi.

Vingt-trois ans après, il est permis d'en sourire, mais à l'époque cela n'eut rien de drôle. La formation de l'ANZAAB fut ainsi retardée de quatre ans, et même alors il y eut plusieurs obstacles à franchir. Aucun d'entre eux ne fut à la hauteur de ceux rencontrés en 1974, sauf un seul.

Ce ne fut pas avant 1977 que nous arrivâmes à nous regrouper, et cette fois il fut suggéré que les membres de l'ABA (Int.) devraient eux-mêmes former la nouvelle association. Le 13 octobre de cette année, la majorité de ces membres se sont provisoirement unis sous une bannière indéfinie qui reconnaissait les statuts de l'ABA (Int.) "dans la mesure où elle s'applique à l'Australie et à la Nouvelle-Zélande". Ce qui évoquait la possibilité d'un conflit avec l'ABA (Int.) car jusqu'à ce que nous ayons une constitution formellement reconnue par la LILA, l'Association anglaise n'aurait pas abandonné son droit à recevoir l'adhésion de libraires non membres de notre groupe. Il fallait donc faire vite si nous voulions empêcher des libraires de se joindre automatiquement à l'ANZAAB en étant membre de l'ABA (Int.). Dans cette optique, Gaston Renard s'appliqua à établir une nouvelle charte qui fut proposée au début de l'année 1978, et adoptée après quelques légères modifications le 30 juin de la même année.

Cette date peut être retenue comme la date de la fondation de l'ANZAAB, bien que d'autres formalités ultérieures aient été nécessaires en 1978, à l'occasion de la foire célébrant en Australie le 500e anniversaire de l'Oxford University Press. Je ne m'en souviens pas. Cependant, des "cotisations intérmédiaires" avaient déjà été versées en janvier de cette année, après que les onze libraires membres de l'ABA (Int.) ont été invités à se joindre à l'ANZAAB, en octobre 1977. Trois d'entre eux … Barbara Palmer of OP Books, Dally et Messieurs Berkelouw … se sont alors abstenus, et nous nous sommes retrouvés huit membres fondateurs. Il y avait Dick Reynolds (Smith's Bookshop) et Anah Dunsheath de Nouvelle-Zélande, Tim et Anne McCormick et Margaret Woodhouse de Sydney, et quatre d'entre nous de Melbourne … Gaston Renard, Kay Craddock, Peter Arnold et moi-même. En sa qualité de doyen, et vu le respect qui entourait sa personne, la Présidence fut offerte à Gaston Renard. Il refusa le poste, mais accepta en revanche d'être Vice-Président et Secrétaire. Je devins donc le Président fondateur, peut-être à cause de mon importante participation dans la formation de l'ANZAAB.

Notre adhésion à la LILA ne posa aucun problème: et quoique nous n'ayons pu dès nos débuts participer aux réunions des Présidents pour des raisons financières, nous sommes aujourd'hui en mesure d'y être représentés, en Europe, au Japon ou en Amérique.

De huit, nous sommes aujourd'hui plus de quarante membres, tous enchantés de pouvoir célébrer cette première réunion des Présidents membres de la LILA à se tenir en Australie. Je vous assure qu'en 1978 aucun des huit membres fondateurs n'avait la moindre idée que nous aurions un jour cet honneur. Et aucun d'entre eux - que les survivants me pardonnent mon culot - ne ressent cet honneur avec plus de joie que moi-même.

Prosit!