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Interview

Rencontre avec Guy Cobolet, directeur de la BIUM, Bibliothèque Interuniversitaire de Médecine

Anne-Marie Coulon : Quelle est la mission de la BIUM et comment se sont constituées ses collections ?

Anne-Marie Coulon : Quelle est la mission de la BIUM et comment se sont constituées ses collections ?

Guy Cobolet : La BIUM est une bibliothèque de recherche, spécialisée dans les domaines de la médecine et de l’odontologie et principalement dédiée au monde académique (étudiants avancés, enseignants, chercheurs). Elle est aussi une bibliothèque ouverte aux professionnels de la santé, installés en ville ou à l’hôpital : médecins, sages-femmes, dentistes, pharmaciens, vétérinaires, masseurs-kinésithérapeutes et tous paramédicaux. C’est enfin un lieu de travail pour de multiples professionnels, universitaires ou non, intéressés par les questions de santé et la littérature médicale : juristes, économistes, historiens, philologues, iconographes, journalistes, consultants…

Ses collections les plus anciennes remontent à la fin du XIVe siècle : le premier catalogue de la bibliothèque (22 manuscrits) est publié en 1395 dans les « Commentaires de la Faculté de médecine de Paris », remarquable document rédigé jusqu’en 1786 par tous les doyens de la faculté, qui y ont consigné, au jour le jour, la vie de l’institution.
Mais c’est au XVIIIe siècle que se sont véritablement développées les collections, à la suite de legs importants consentis par des professeurs, puis au moment des confiscations révolutionnaires : le premier bibliothécaire de la nouvelle École de santé créée en 1794, Pierre Sue, fut autorisé par le gouvernement de l’époque à parcourir les dépôts de livres confisqués (une trentaine de sites dans la capitale), et à choisir tous les ouvrages qui lui paraissaient utiles à la formation des étudiants.
Au XIXe siècle, le fonds s’est enrichi continûment, en particulier sous la forme de journaux scientifiques reçus du monde entier : les institutions étrangères adressaient à la Faculté de médecine de Paris leurs publications, pour qu’elles figurassent dans les collections de la bibliothèque, et en échange Paris leur expédiait un exemplaire des thèses de ses étudiants. Au total, c’est une bonne vingtaine de milliers de revues qui ont ainsi été réunies, dont beaucoup ne sont plus conservées dans leur pays d’origine.

A-M.C : Le fonds ancien de la BIUM est d’une grande richesse. Cette collection permet-elle de couvrir toutes les étapes de l’histoire de la médecine et combien de documents et de quels types sont-ils recensés dans votre catalogue ?

G.C : Nos collections couvrent toute l’histoire de la médecine occidentale, depuis les grandes éditions humanistes de la Renaissance jusqu’à nos jours, dans toutes les langues. On peut dire, sans forfanterie, que tout ce qui compte est présent à la BIUM, et il faut saluer l’excellent travail accompli par nos prédécesseurs, qui ont su sélectionner, avec perspicacité, dans la longue durée, les grands textes, mais aussi les auteurs mineurs. En revanche, la bibliothèque ne possède qu’une centaine d’incunables, et de très rares documents concernant la médecine orientale, qui jusqu’à peu ne faisait pas partie des préoccupations des professeurs.
Le fonds est essentiellement médical. Mais aussi encyclopédique, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle : parmi les confiscations révolutionnaires, Pierre Sue a retenu des centaines de livres de théologie, de sciences, de littérature, de botanique, des récits de voyages en Orient, etc., qui mériteraient sans doute d’être mieux connus du public.
Tous les supports sont présents : ouvrages, journaux, estampes, médailles, photographies... Au total, le fonds comprend aujourd’hui quelque 400 000 ouvrages, 23 000 journaux imprimés, 500 000 thèses de médecine et de chirurgie dentaire (dont quasiment toutes les thèses de Paris depuis le XVIe siècle).


A-M.C : Quels seront les grands axes de votre sélection de documents pour l’exposition pendant le prochain salon au Grand Palais ?

G.C : Nous avons pris le parti de présenter aux visiteurs un florilège de nos plus belles pièces : des éditions rares, importantes sur le plan scientifique, qui combineront, le plus souvent possible, beauté des illustrations et qualité du texte. L’anatomie naturellement sera sollicitée (plutôt que la Fabrica de Vésale, son Epitomé, plus recherchée ; les lavis de Gérard de Lairesse, ensemble unique au monde qui a été réalisé en 1680 pour l’Anatomia humani corporis de Bidloo), mais les autres spécialités seront aussi mises à contribution : l’édition en couleur de l’Ophtalmodouleia de Bartisch (1583), les premières photographies médicales avec l’Atlas sur le système nerveux de Luys (1873), ou les exceptionnels clichés de l’hermaphrodite par Nadar (1859).

A-M.C : Qu’attendez-vous d’une exposition dans le cadre d’un salon tel que le Salon International du Livre Ancien et voyez-vous des affinités, des liens entre votre mission de service public et le travail des libraires ?

G.C : Le Salon International du Livre Ancien, par la qualité de ses exposants, est une manifestation majeure du monde de la bibliophilie, qui permet la rencontre, dans un superbe espace, de nombreux passionnés : les marchands d’antiquariat, les publics, les bibliothécaires. Tous gens intéressés par la médiation, la diffusion, la valorisation d’un patrimoine, la contemplation et l’appropriation de l’imprimé sous toutes ses formes. A cet égard, libraires et bibliothécaires, qui entretiennent depuis toujours une relation interprofessionnelle intense, parfaitement complémentaire, sauront faire partager au public leurs coups de coeur, leurs émotions et leur savoir. Une telle transmission n’est-elle pas la vocation première des métiers du livre, qu’ils opèrent dans la sphère publique ou le secteur privé ?