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Historique du SLAM : Première partie (1914-1934)

(Texte publié dans la Lettre d'Information n°38 de la LILA en 1986)
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Retracer l'histoire, pour ne pas dire la ‘pré-histoire’ du Syndicat Français de la Librairie Ancienne et Moderne (S.L.A.M.) n'est guère chose aisée. Les témoins de la première heure ont disparu et les documents font souvent défaut. Les archives n'ayant pas été conservées avec soin, faute de locaux définitifs (acquis seulement en cette année 1985 dans la rue Gît-le-Coeur), les traces que nous avons pu déceler sont parfois légères, quelques fois contradictoires, toujours inconsistantes.

Le Bouquiniste Français, organe officiel du SLAM, n'apparaissant que 7 ans après la fondation du Syndicat, soit en 1920 !, nous nous trouvons en présence d'une zone d'ombre de 1914 à 1920 sous la présidence d'Edouard Rahir. De 1920 à nos jours, le Bouquiniste Français, acquis par le SLAM en 1945 puis devenu le Bulletin de la Librairie Ancienne et Moderne en 1963, nous permet de mieux cerner les problèmes, les préoccupations et les activités du SLAM.

Pour la période antérieure à 1958, nous avons dû consulter les années disponibles à la Bibliothèque Nationale de Versailles sous la côte JO 82007. Il faut noter que le SLAM possède tous les numéros parus depuis 1958. Nous avons également eu recours à plusieurs notices nécrologiques; aux discours et articles publiés à l'occasion du décès d'E. Rahir; au rapport du Président Dauthon sur l'activité syndicale de 1939 à 1945, et aux souvenirs évoqués par quelques uns de nos confrères plus âgés à l'occasion du Cinquantenaire en 1964.

Nous allons donc, nous attacher à organiser nos glanes autour des Présidents qui ont en premier lieu incarné l'histoire de notre Syndicat. Nous tenterons toutefois de souligner la permanence et pourquoi pas la récurrence des problèmes qui les ont animés et qui restent d’actualité encore aujourd'hui: relations avec l'administration (fiscale et autres); réglementations douanières et postales; ventes publiques; le titre d'expert; les créations de librairie; la caisse de secours etc. etc.…

La Fondation du SLAM

Ce qui frappe de prime abord, et ce, dès la création du Syndicat, c'est le souci qu'ont eu, non seulement les pionniers mais aussi leurs continuateurs, de faire circuler ‘le Livre’ et aussi, naturellement, les idées sur le livre. Comme le soulignait en 1958 Julien Cain, administrateur de la Bibliothèque Nationale, il s'agit là du ‘Rôle et de la Fonction de la Librairie Ancienne et Moderne’ (Bouquiniste Français No 1, octobre 1958).

1914 marque le début d'une tragédie mondiale, mais aussi la fin d'un monde couronné par un certain art de vivre: celui de la Belle Epoque. L'art d'une certaine pratique de la Librairie ancienne allait aussi s'en trouver bouleversé.

Le 23 juin 1914, eurent lieu les premières assises de l' assemblée générale constitutive du SLAM. Et, ce n'est peut-être pas par hasard, par gratuité ou pur souci de confraternité aimable que les promoteurs décidèrent de sa création. Avec la première guerre mondiale (la seconde ne fera qu'accélérer le processus) allaient s'achever les douces et tranquilles années d'un ‘commerce’, aux sens noble et fort du terme, pour lequel les notions de raréfaction, de crise ou de tracasseries administratives étaient totalement ignorées.

Quels étaient ces hommes qui pressentaient avec autant d'acuité la nécessité d’un regroupement au sein de notre profession? Jean Bergue (rue de Condé), Maurice Picard (rue Bonaparte), Auguste Blaizot, Henri Picard, Léon Carteret, Eugène Jorel (3 rue Bonaparte), Georges Chrétien, Camille Bloch (146 bd St Germain, puis rue St Honoré), Jean Rivière, Edouard Rahir, Jean Schemit, Charles Bosse, Emile Nourry... ils étaient 29 libraires fondateurs à la réunion préparatoire et le premier Syndicat compta 44 adhérents. Tous ces hommes étaient comme leurs prédécesseurs Techener, Claudin, France, Morgand, au service du Livre. Après avoir décidé de former une grande famille, ils acceptèrent de se réunir pour un banquet au début du mois de juillet 1914 dans un petit salon du Palais d'Orsay.

Aucun problème professionnel ne se présentait alors de façon aiguë, mais ils sentaient tous la nécessité de se rassembler autour d'un président qui pour la première fois fut Edouard Rahir. Il s'agissait de mieux se connaître et de resserrer les liens dans une profession où l'indépendance était tradition pour affronter l'avenir du Livre avec sérénité.

Edouard Rahir , président du SLAM de 1914 à 1922

E. Rahir apparaît comme l’un des meilleurs serviteurs du Livre, dans la mesure où il est ‘entré très tôt en librairie’. En effet, dès l'âge de 10 ans, en 1878, il est engagé chez Morgand et Fatout. A la mort de Fatout, il deviendra le collaborateur le plus proche de Morgand auquel il succédera en 1897. Edouard Rahir s'était essentiellement spécialisé dans la recherche, la sélection et l'étude de livres précieux et rares. Il a consacré une grande partie de son existence à un gros travail de bibliographie sur les Livres à figures des XVème et XVIème siècle. Il fut l'auteur des notules dans les 10 volumes du Bulletin Morgand publié de 1870 à 1904 et dans les trois répertoires de 1878, 1882 et 1893. C'est lui qui rédigea également les catalogues Destailleurs (1891-1895); Guyot de Villeneuve (1900-1901); la collection unique d'Elzevier (1896); les collections Dutuit (1899), Paillet, (Henri Bordes) (1902), Lantelme (1904), Montgermont (1911-1913) et Henri Houssaye (1912).

En 1907, il publia la ‘Bibliothèque de l'Amateur’ qui est un véritable monument de bibliographie condensée, et dont une seconde édition augmentée parut en 1924. C'est cet érudit, doublé d'un des meilleurs bibliographes des temps modernes, qui est appelé, en 1914, à assumer les fonctions de premier président du SLAM avec A. Blaizot comme vice-président; George Chrétien, comme secrétaire, et A. Besombes, L. Carteret et E. Jorel comme commissaires. En tant que tel, il s'est surtout soucié de maintenir et de perpétuer les traditions de la vieille Librairie française. Conformément aux statuts, il est élu pour trois ans, mais resta en poste sept ans en raison de la guerre et de la mobilisation de plusieurs libraires. Après 1918, le Syndicat reprend vie et, son activité essentielle s'est surtout résumée en un prosélytisme actif. Il fallait grandir et devenir une organisation importante et structurée. L'idée de la publication d'un journal va dans ce sens là.

Sous l'égide de Ch. Bosse, E.Jorel ; E. Nourry, J. Rivière et J. Schemit. le premier numéro du Bouquiniste Français paraît en date du 15 Janvier 1920. Organe bimensuel, il deviendra hebdomadaire dès le premier Décembre 1920 avec le numéro 22. Son administration siège au 31 rue Bonaparte Paris 6ème. Dans leur premier éditorial, les libraires fondateurs justifient ainsi la raison d’être de cette publication: ‘La Librairie Ancienne, les Libraires Antiquaires Français, en Décembre 1919 n'ont pas encore d'organe professionnel alors que le célèbre hebdomadaire anglais ‘The Clique’ et le quotidien munichois atteignent des tirages considérables...’.

Dès son premier numéro le Bouquiniste Français se présente comme un bulletin d'offres et de demandes d'ouvrages à bon marché, mais aussi comme un organe d'informations professionnelles avec calendriers des ventes, publication de catalogues, changement de propriétaires, ouvertures et fermetures de librairies, modifications de tarifs postaux et précisions relatives aux expéditions et transports... Régulièrement. le Bouquiniste fait le point sur quelques problèmes épineux: La loi du 25 juin 1920 et les impôts qui frappent le commerce et l'industrie (No 13); l'instruction du 29 août 1920 relative à l'impôt sur le chiffre d’affaires (No 16 et 17); la taxe de Luxe (No 19). Mais heureusement tout cela est émaillé de petits articles consacrés à des curiosités bibliophiliques: Jean Fauste; où vont les vielles reliures); Charles Sorel, de la connaissance des bons livres. Les voleurs de livres, journal d'un bouquiniste des quais... On y public aussi les comptes rendus ou procès verbaux de réunions de bureau et d’assemblées générales. On apprend ainsi dans le no 28 que MM Gougy, Paul et Rapilly ont été nommés experts auprès de l'administration des douanes. Le rétablissement de la remise de 10% entre libraires syndiqués, la modification de la taxe de Luxe et une lettre ouverte à M le Sous-Secrétaire d'Etat des Postes et Télégraphes de J. Lebouc sur la lenteur d’acheminement des catalogue» (Déjà !) ...alimentent d'autres numéros.

Le Bouquiniste Français ‘organe hebdomadaire de la Librairie Ancienne et Moderne’ paraîtra régulièrement jusqu'à la seconde guerre mondiale; à cette époque il sera remplacé par des feuilles polycopiées... Il reprendra ensuite, modifié après son acquisition par le Slam en 1945.

C'est donc sous la présidence d'Edouard Rahir que se mettent en place le premier Syndicat, le premier journal corporatif et les premiers principes de la protection édictés dans le cadre d'une conférence prononcée au Cercle de La Librairie le 27 mai 1924. Il cherche surtout à perpétuer la tradition d'une haute idée de la Librairie Ancienne faite de noblesse, de compétence et d’intégrité en la rattachant à tous les métiers qui président à la naissance du Livre et en soulignant le rôle que les libraires jouent dans ‘la propagation et l'extension des chefs d'oeuvre de l'esprit humain’. Et. il en vient à déclarer: 'La Librairie n'est ni un métier. ni un art, c'est un commerce...’. Précepte essentiel si l'on comprend ce terme dans son sens premier de communication, échange de pensées, rapports de société. Nous le verrous par la suite. le SLAM a maintenu cette acception en cherchant à susciter entre libraires les discussions autour, sur et en faveur du Livre.

Autant d'idées qui ont fait florès et vont se voir perpétuées par tous les autres présidents. Une tradition était née ...

Auguste Blaizot, président du SLAM de 1922 à 1925

Un an avant Rahir, Auguste Blaizot âgé tout juste de quinze ans, il était né en 1874 à Blainville sur Mer (Manche) fait ses armes chez son oncle Emile Lecampion, libraire passage du Saumon, depuis 1840.

A la mort de ce dernier, en 1902, il lui succéda dans la librairie transférée au 22 de la rue Le Peletier. On y trouvait à côté des ‘nouveautés’ et de quelques ouvrages modernes et romantiques, les livres d’étrennes et ... les journaux du matin ( !). Ses installations successives au 26 rue Le Peletier, au 21 boulevard Haussmann et enfin en 1928, à l'adresse actuelle: 164 faubourg Saint-Honoré, marquèrent son ascension rapide.

A une époque, où les grands libraires et les grands amateurs ne s’intéressaient qu'aux livres parus avant 1800 et où la constitution de bibliothèques de Livres Modernes n'était pas considérée avec sérieux, Auguste Blaizot sut malgré tout attirer l'attention sur les beaux livres illustrés modernes. Il fut un des premiers à déceler l'incomparable originalité d'ouvrages tels que l'A REBOURS de Lepère ou le DAPHNIS ET CHLOE de Bonnard qui atteignent aujourd'hui des prix considérables. Grâce au discernement sans faille de l'authentique beau Livre conçu en dehors de la mode, il apparut très vite comme le spécialiste le plus écouté des amateurs de livres illustrés modernes de qualité. En ayant défendu avec ténacité et lucidité au début de ce siècle les livres illustrés par Lepère, Bonnard, Toulouse-Lautrec. Maurice Denis, Dufy ... il est à l'origine du rayonnement que connaissent aujourd’hui l’édition d'art et la Librairie moderne. Il a donc su créer un public de bibliophiles nouveaux en participant à la formation de bibliothèques prestigieuses: Descamps-Scrive ; Paul Voûte ; Barthou ; Beraldi ; Bordes ; Villeboeuf ; Latécoère... Ses qualités d'amateur éclairé (au sens fort) l'ont poussé aussi à éditer des ouvrages illustrés par P.Vidal (Les Aventures du Roi Pausole): par Kupka (Lysistrate et Prometheus): par Jouas (La Cathédrale et la Cite des Eaux) par Degas (La Famille Cardinal); par Maurice Denis (L'Annonce faite à Marie) par Barbier (Le Centaure et la Bacchante).

Il a été pour le livre moderne ce qu'Edouard Rahir fut à la même époque, pour le livre ancien: un animateur et un guide. C'est, d'ailleurs tout naturellement qu'il en vient à lui succéder à la présidence du SLAM en 1922, où Il est élu avec à ses côtés L. Gougy (vice-président). Georges Chrétien (Secrétaire), René Colas (trésorier) et Jorel, Lardanchet, Nourry. H. Picard, Rapilly comme conseillers (leur nombre venant de passer de 2 à 5). A l'occasion de l'Assemblée générale du 20 juin 1922, une fois élu président, Auguste Blaizot constate que le Syndicat compte alors 94 membres et demande à ce que chacun se lance dans une propagande plus active en distribuant autour d'eux la liste des membres. Il charge une commission du soin d’aplanir les différends éventuels qui ne pourraient manquer de surgir entre certains membres du Syndicat. Il s'en prend aux ‘lenteurs’ des administrations des Douanes et des Postes en exigeant que l'on intervienne rapidement auprès d'elles. Dès l'année suivante, il interviendra lui-même en se rendant à la Direction de l'enregistrement pour obtenir les méthodes à suivre et l'application des taxes et droits d'exportation et d'importation, dans le but de publier en Janvier 1924 et de diffuser auprès de nos adhérents une brochure claire et complète sur ce sujet.

Pour renforcer les liens qui unissent entre eux les libraires affiliés au Syndicat, il propose de n'accorder la remise confraternelle qu'aux seuls membres du SLAM. Dans le même esprit, il instituera un dîner syndical. Le 26 juin 1923 se tient aux ‘Sociétés Savantes le premier dîner annuel qui deviendra par la suite une tradition maintenue jusqu'à nos jours. 54 Libraires étaient présents à ce premier banquet (B.F. du 7 juillet 1923). Deux mois avant, le 14 avril 1923, avait déjà eu lieu un déjeuner dans les Salons du restaurant Lapérouse pour la promotion d'A. Blaizot au grade de Chevalier de la Légion d'Honneur. Cette réunion avait été présidée par Louis Barthou.

Il fut un des premiers à oser proposer à ses confrères un projet de statut d'expert auprès des officiers ministériels chargés des ventes publiques. Il s'agissait de garantir les ouvrages passant en vente en signalant toujours leurs éventuels défauts.Dans une réunion du bureau du 27 juin 1923, il annonce même la nomination officielle d'experts en douane: Gougy, Emile Paul, Rapilly et Blaizot.

Les nouveaux statuts, ayant été élaborés et imprimés avec soin, ont été déposés à la Préfecture de Police. A. Blaizot y voit un des meilleurs arguments publicitaires auprès des nouveaux libraires pour imposer la nécessité du Syndicat. C'est encore, dit-il, l'arme la plus efficace que nous avions pour taire triompher nos revendications. Outre les problèmes douaniers et postaux, les revendications syndicales de l'époque portaient surtout sur la suppression de la taxe de luxe qui frappait tous les livres anciens et qui tracassera jusqu'à la seconde guerre, tous les présidents du SLAM.

A l'Assemblée générale du 6 mai 1924, on dénombre 231 membres, et A. Blaizot déclare: 'nous désirons que TOUS les Libraires soient des nôtres...'. Toujours dans le sens de la propagande, on décide de la publication d’une brochure sur les lois, décrets et règlements administratifs de toutes taxes, et on aborde une nouvelle fois le problème de la suppression de la taxe de luxe.

Le Bouquiniste Français. organe du SLAM, appartenant toujours à quelques uns des libraires fondateurs, MM Puzin et Quereuil proposent déjà un projet de rachat qui ne se réalisera pourtant que 20 ans plus tard.

C'est l'année où meurt Anatole France, le SLAM a envoyé une gerbe aux obsèques de celui dont le père était libraire et qui a toujours montré une véritable affection pour notre métier et ceux qui l'exerçaient.

Une anecdote pour finir: L'édition originale des Fleurs du Mal a été retirée d'une vente publique, frappée d'interdiction par le Tribunal le 16 décembre 1924 ( !). Le bureau s'est violemment élevé contre cette décision cocasse, 67 ans après le retentissant procès dont fut victime Baudelaire. Il en a aussitôt profité pour mettre en garde ses adhérents contre la vente et l'annonce de ‘Livres Spéciaux’ dans leurs catalogues.

Autant de conseils, de suggestions qui montrent à quel point A. Blaizot sut remplir son mandat avec une efficace autorité. En ces années de dangereuses facilités. il sût dénoncer avec courage d'inadmissibles et redoutables abus. A l'expiration de son mandat, il fut nommé Président d'Honneur et après 53 ans de carrière, force est de reconnaître que toute sa vie fut consacrée et dévouée au Livre.

Emile Nourry, président du S L A M de 1925 à 1928

Emile Nourry, libraire-écrivain. mieux connu sous son nom de plume: Saintyves, a débuté en 1899 comme libraire à Dijon Place du Théâtre. De là il s'est installé à Paris, d'abord rue des Saints-Pères puis rue Notre-Dame-de-Lorette. Enfin, en 1909 il se fixe définitivement au 62, de la rue des Ecoles où il établit sa réputation en tant que spécialiste des questions religieuses et de l'exégèse biblique, et comme éditeur des ouvrages d'Alfred Loisy. Il a rédigé de nombreux catalogues consacrés pour la plupart au folklore, à l'hagiographie et à l'occultisme avec l'aide de son fidèle collaborateur Jules Thiebaud qui avait débuté chez lui comme commis. J.Thiebaud qui élaborera la bibliographie cynégétique de référence (Bibliographie des ouvrages français sur la Chasse, Paris Nourry 1934) lui succédera rue des Ecoles de 1935 à 1964.

En tant qu'écrivain, il s'intéresse aux mêmes sujets et publie les ouvrages suivants:

1904 : La Réforme intellectuelle du clergé et la Liberté d'enseignement.

1907 : Les Saints successeurs des Dieux.

1908 : Les Vierges mères.

1909 : Les Mystères des Evangiles.

Voilà pour les questions religieuses et l'hagiographie. En ce qui concerne les Sciences occultes dans leurs rapports avec la médecine et les traditions populaires, il rédige:

1912 : La Simulation du Merveilleux.

1913 : De la magie médicale à la psychothérapie. La Force magique.

1921 : L'éternuement et le baillement dans la Magie.

1923 : Les contes de Perrault et les récits parallèles.

1926 : La Légende du Docteur Faust.

etc... etc...

Cette liste n'est pas exhaustive, il s'agissait là de montrer la diversité de ses centres d'intérêts qui vont de la Bible à la préhistoire en passant par le folklore. Il faut signaler qu'il était également directeur de la Revue du Folklore Français et de la Revue d'Anthropologie, et que la périodicité de ses catalogues était mensuelle (!).

Sa notoriété et son extrême compétence l'ont amené à être élu président du SLAM le 26 mai 1925 avec G. Chrétien (Vice-président), M. Escoffier (secrétaire), René Colas (Trésorier), et comme conseillers: Francisque Le François, Mounastre Picamilh, H. Picard, M. Rivière-Sergent. Le bureau ainsi constitué va s'efforcer pendant trois ans de faire front à une période de difficultés économiques qui ira en s'aggravant.

Déjà, chargé d'un rapport sur l'exportation des Livres précieux sous la présidence Blaizot, Nourry s'est efforcé de trouver des compromis. Il considère qu'il ne faut pas décourager l'énorme mouvement qui existe en faveur du Français et que ce mouvement en faveur de notre langue ne pourra être que proportionnel à l'importance des fonds français constitués à l'étranger. Il faut donc exporter des livres anciens tout en protégeant notre patrimoine culturel en interdisant la sortie de livres, documents ou manuscrits uniques ou réputés tels. Il suggère qu'une commission soit constituée, elle comprendrait des bibliothécaires, des douaniers, et des libraires syndiqués. Cependant, l'année suivante l'Assemblée Générale décide qu'il n'y a pas lieu de solliciter un règle- ment d'administration publique à condition que les libraires s'engagent à vendre en priorité à une bibliothèque d'Etat 'les ouvrages d'un intérêt capital'.

Le 28 janvier 1926, le bureau se préoccupe déjà des livres volés et rappelle que le Syndicat a fait imprimer des formulaires à la disposition des membres qui voudraient faire connaître à leurs confrères les ouvrages dérobés. Il publie la liste des membres du Syndicat, toujours soucieux de propagande, il fait savoir que 'c'est un devoir pour tous ceux qui fout commerce de livres d'occasion de faire partie de notre Syndicat.Mais, la grande inquiétude du bureau au milieu de l'année 1926concerne la dévaluation du franc. Il va publier successivement deux tableaux de concordance des prix après avoir examiné toutes les conséquences de la dépréciation du franc face à la Livre Sterling. Il fait appel à la plus grande vigilance de tous nos confrères s'ils ne veulent pas éprouver une perte réelle et racheter plus cher qu'ils ne vendent. Le premier tableau permet de réévaluer les livres cotés sur les anciens catalogues avec une majoration qui va de 50%à 5% en un an. Le second tableau propose une clef pour modifier les prix marques sur les volumes sans avoir à les effacer sans cesse: les 9 premières lettres de l'alphabet représentent les 9 premiers chiffres et la lettre S = O. Ainsi la marque en lettres contrairement à celle en chiffres ne changera pas sur les volumes. Seule son interprétation en francs sera modifiée à partir de chaque nouveau tableau réactualisé par le SLAM. Et, devant la situation économique du pays, le bureau déclare: 'Nous ne pouvons pas croire que notre labeur et notre vaillance qui s'incorporent au labeur et à la vaillance de tout le pays permettent une catastrophe... Nous croyons au relèvement financier de la France... nous devons participer à la contribution volontaire... '. Malgré cela les banquets annuels ont lieu en février 1926 au Club de la Rennaissance Française, ainsi qu'en mai 1927 et en mars 1928. A chaque fois Nourry fait preuve de verve et d'esprit en parlant ‘du bien et du mal que les libraires ont dit des femmes’.Elles ont souvent traité les livres en intrus et en gêneurs mais se sont toujours montrées des compagnes et des collaboratrices dévouées et efficaces. Et il conclut par cette pirouette: ‘en vérité, les libraires, parce qu’ils connaissent les livres savent parler des femmes... (sic)’. Une autre fois il développe le thème suivant: ‘Pourquoi les visages tristes sont-ils si rares, sinon introuvables parmi les libraires qui vendent des livres d'occasion ???’ Les menus de ces banquets sont tantôt dessinés et gravés par Jouas, maître aquafortiste, tantôt par Louis Jou.En 1926 on remarque la présence étrangère des libraires Maggs et Rau. En 1928, Maître Maurice Garçon sera invité à présider la soirée et prononcera une allocution sur les relations particulières des libraires et des bibliophiles.

Au cours de l’Assemblée Générale du 12 mai 1926,les libraires ont trouvé un 'modus vivendi' avec les commissaires priseurs après avoir protesté pour que tous les livres soient garantis et que l'on annonce clairement et sans ambiguïté leur défaut et leur manque. On publie les taxes à la vente: Ventes à la commission. 2,5%; Ventes entre libraires, 2%; ventes à l’intérieur,12%; ventes à l'exportation 12%. Dans les réunions de bureau suivantes, on établit les conditions générales approuvées par le SLAM: conditions de ventes et d’expédition, conditions de paiement, conditions spéciales pour l’étranger.

Certains en viennent à proposer une addition aux statuts pour régler les différends éventuels survenant entre membres: ‘Le Syndicat pourra se former en commission d’arbitrage afin d'arbitrer tous litiges ou contestations survenant entre des membres du Syndicat ou entre des membres du Syndicat et des tiers... Un règlement donnant la constitution et le mode du fonctionnement de la ou des commissions arbitrales sera élaboré par le bureau’.

Dans un autre registre, le Bouquiniste Français du 19 mars 1927 signale la parution d'un répertoire international de la Librairie Ancienne avec la liste analytique des libraires classés par pays et par spécialités. C'est la Librairie Straubing et Muller qui édite cette publication à Weimar sous le titre d'Adressbuch der Antiquare. L'Assemblée Générale du 21 mai 1928 met fin aux fonctions de Nourry dont le rôle essentiel a été de ramener la fameuse taxe de luxe de 12 à 6%, pour les livres d'une valeur de plus de 300 F, et de 6% à 3% pour les autres. On constate enfin que sa propagande active a porté ses fruits puisque le Syndicat est, alors, fort de 315 adhérents.

Maurice Escoffier, président du SLAM de 1928 à 1931

Un nouveau bureau vient d’être élu, sa composition en est la suivante: Escoffier, président; H.Picard, vice-président; Briquet: secrétaire; Quereuil, trésorier; et Bosse, Dauthon, le François, Puzin, Sergent, conseillers.

Professeur à l’école des Sciences politiques, Maurice Escoffier apparaît comme l'un des présidents les plus distingués que nous ayons connu. Il s'est consacré pleinement au service du Livre, non seulement comme libraire et comme président du SLAM, mais aussi et surtout comme bibliographe. Il a rédigé et publié à grands frais sa ‘Bibliographie du Mouvement Romantique’ (Paris, Giraud Badin 1934) qu'il a dédié aux membres du SLAM. Il s'agit d’un ouvrage de référence, devenu classique et faisant autorité. Escoffier est un des premiers à attirer l'attention sur les courants parallèles et en marge du Romantisme. Il devient ainsi le bibliographe en titre de ceux que l'on appellera par la suite ‘Les petits romantiques’ (Cahiers du Sud 1949). En outre, il faut signaler qu'en exergue à son travail, il a tenté une approche de définition de ‘l'Edition Originale’ dans un texte resté célèbre: ... ‘L'Edition est dite originale parce qu'elle remonte à l'origine d'un droit de propriété; elle peut être certifiée conforme au manuscrit ou au texte original de l'oeuvre qui est l'objet du droit et si ce droit a été cédé, il ne peut l'avoir été que par le consentement de son détenteur... L'édition est dite originale parce qu'elle s'oppose à la copie, c'est à dire à la contrefaçon: elle est l'ordre opposé au désordre...’. Ces mises au point vont modifier la façon de voir les choses de la part des bibliographes, mais aussi des libraires. Un regard nouveau est jeté sur tout un pan de la bibliophilie.

Jusqu'à lui, le nombre d'adhérents n'avait cesse de croître et la cotisation d’augmenter. Il va être le premier à demander la radiation des membres qui ne paieraient pas leur cotisation après deux lettres recommandées. Il refuse une liste imposante mais factice de membres qui ne se conformeraient pas à l'esprit syndical. Par la suite, le nombre de libraires affiliés au SLAM s'établira aux alentours de 300 trouvant un équilibre entre les demandes d'admission et les radiations. De même, il diminuera pour la première fois la cotisation pour que l’entrée au Syndicat soit largement ouverte. Il demande à ce que le carnet syndical paraisse tous les ans et qu'il soit sans cesse tenu à jour. Il fait notamment appel à l'esprit syndical de chacun en considérant que le Syndicat est une force collective qui veillera, seule et mieux qu'une autre, à la défense de nos intérêts particuliers.

De 1928 à 1930 le bureau s'est essentiellement attaché à régler trois problèmes. D'abord la taxe de luxe dont il demande la modification en faisant passer le prix du livre taxé de 300 à 1200 F. Malheureusement, la loi du 25 février 1930 vient contrarier ce projet et assujettit tous les livres imprimés au XVème et XVlème siècle, et ce quelqu'en soit le prix (même inférieur à 300 F), à la taxe de luxe de 12% comme pour les éditions d'Art tirées sur papiers spéciaux et dont le tirage ne dépasse pas 300 exemplaires. Le bureau proteste énergiquement contre cette mesure arbitraire. Ensuite, il essaie de trouver une solution au problème des fausses reliures. Il met sur pied une commission d'enquête sur la falsification des reliures et l'apposition postérieure de provenances anciennes et recherchées. Elle sera composée de MM Besombes, Briquet, Le François et Roth.

Enfin, M. Puzin rédige un rapport sur l'application de la loi concernant les Assurances Sociales. Il voit en cette loi une loi humaine d'une importance considérable et demande à ce que chacun s'inscrive immédiatement. Il rappelle qu'elle couvre les risques maladie, invalidité, vieillesse, décès avec participation aux charges de famille et de maternité.

Toujours dans le même registre, M. J. Picard fait une communication sur l'Assurance-Transport en librairie (B.F du 14juin 1930).

Dès le début de son mandat, Escoffier avait émis le projet de création d'un titre de ‘Libraire Honoraire’ dont les conditions étaient celles-ci: retraite des affaires, 20 ans d'exercice minimum, adhésion à un groupement corporatif et mérite du titre. Ce titre serait matérialisé par un diplôme et par une carte permanente d'accès à toutes les assemblées générales et à tous les congrès syndicaux de librairie. Sur le plan mondain, le bureau avait rendu hommage à Philippe Chabaneix, poète-libraire qui venait d'obtenir le prix Moréas, et à E. Rahir premier président du SLAM et dont la dispersion des livres en 1930 avait remporté un succès retentissant. A cette occasion Mme Rahir avait fait don à la bibliothèque Nationale de trois ouvrages précieux: Les Opuscules de Marot, L'Isle sonante de Rabelais et l'Institution Chrétienne de Calvin comportant une dédicace à François Ier.

Le Banquet annuel du 10 mai 1929 est honoré de la présence de Jean Giraudoux qui se présente comme ‘un modeste collectionneur du XVIIème siècle’. Cette année-là le menu sera gravé par René Sauvage. L'année suivante, le 12 juin 1930, le Banquet sera présidé par Tristan Derème, et le menu conçu et dessiné par Dignimont. A cette occasion, Tristan Derème s'interroge sur le livre d'occasion: ‘Qu'est ce que l'occasion ? me défendrez-vous de faire un peu le pédant et de rappeler le verbe cadere et son supin casum et redire que l'occasion, la chance, l'occident et l'échéance sont en quelque manière, sortis du même nid latin...’ Il nous laisse le soin de tirer nous-mêmes la conclusion devant ces quatre termes dont le rapprochement n'est peut-être pas tout à fait fortuit. S'agirait-il des quatre points cardinaux de la Librairie Ancienne; De la part du poète tout est envisageable!

Henri Picard, président du S L A M de 1931 à 1934

Henri Picard est né à Sens le 26 février 1872 de parents qui exerçaient la modeste profession de 'perruquiers'. Orphelin de père à l'âge de 13 ans, il est contraint de monter dans la Capitale pour gagner sa vie. C'est par goût qu'il s'oriente immédiatement vers la librairie. Il fait ses débuts chez son petit cousin Alphonse Picard, rue Bonaparte. Travailleur acharné, il fait plusieurs années de stage avant de rentrer chez Sirey (Librairie de Droit) puis chez Martin. Là, on le charge d'organiser des ventes publiques qui se tiennent dans les salles des Bons Enfants et Sylvestre. En 1893, il se présente à la librairie Flammarion et Vaillant qui recherchait quelqu'un de compétent, sachant rédiger un catalogue. Il fait l'affaire et on l'engage aussitôt aux Galeries de l'Odéon. C'est à cette époque qu'il fit la connaissance d'Auguste Blaizot qui deviendra son ami. Il rencontre aussi Rahir, Nourry, Besombes, Lemallier, G. Chrétien, Cornuau et Margraff.

En 1902, son protecteur Lucien Gougy fit, à son insu, les démarches pour l'achat du Fonds Martin, 126 rue du Faubourg Saint Honoré (Ancienne Maison Ronner fondée en 1860).

Par dévouement à la cause professionnelle, il accepte le mandat que lui confie l'Assemblée Générale du 20 mai 1931. Il est élu président aux côtés de Puzin (Vice- Président), Deruelle (Secrétaire), Jacquenet (Trésorier) et Bosse, Dauthon, Jammes, Quereuil, Siroux (Commissaires). Tout son mandat sera marqué par la crise économique mondiale qui trappe la France de plein fouet. Dès le premier banquet qu'il préside, et dont le menu avait été illustré par Falké, il déclare: ‘La crise économique a réduit le pouvoir d'achat de notre clientèle. Nous vendons tout autant de livres mais les transactions sont moins élevées... Nous devons nous efforcer de maintenir la clientèle en confiance et aussi de la mériter..’ Malgré la crise, il cherchera à promouvoir le livre avec l'appui d'écrivains tels qu'Emile Henriot et Gérard Bauer. ‘Continuez à aimer le Livre, vous le vendrez mieux’ déclare-t-il à l'Assemblée Générale du 7 Juin 1932.

Au début de l'année 1933, la crise sévit de plus belle, et le SLAM décide la création d'une brochure de propagande reproduisant les articles de presse publiés en 1932. Ils avaient été rédigés en faveur du livre d'occasion sur l'initiative du Syndicat. Il faut noter, d'ailleurs, que le livre ancien garde, à ce moment-là, une très bonne tenue tant dans les ventes publiques que sur les catalogues à prix marqués. On en viendra à créer un Comité d'action Economique et douanière auquel le bureau donnera son adhésion en publiant un manifeste pour la 'démobilisation douanière'.

Cependant, Henri Picard constate que le marché français nous est toujours aussi favorable, mais que les marchés étrangers nous sont pour ainsi dire fermés par suite du manque de devises et de leur dévalorisation (A.G du 16 mai 1933).

Et, à la fin de son mandat, en 1934, tout en faisant son bilan. il notera qu'à travers la crise mondiale, le Livre aura été l'un des éléments de transaction qui se sera le moins déprécié.

Pendant ces trois années de présidence, Henri Picard a cherché, avant tout, à être à la tête du 'Bureau des Syndiqués et non du Syndicat'. Il s'est sans cesse efforcé de se rendre utile en répondant par retour du courrier aux renseignements qui lui étaient demandés. Il a commencé par réviser les conditions de vente, d'expédition et de paiement pour les rendre plus explicites. Puis, lui aussi s'en est pris aux ventes publiques dans lesquelles, il avait pu relever un abus de descriptions fallacieuses. Il a protesté contre la pratique de certains libraires qui, pour justifier leurs prix, n 'hésitaient pas à donner des prix de comparaison avec d'autres libraires. En règle générale, il a surtout cherché à motiver et à défendre le commerce français notamment contre les étrangers établis depuis peu en France (Bureau du 17 avril 1934)·

Dans d'autres circonstances, il a été amené en avril 1932 à prononcer un discours funèbre sur la mort de Noël Charavay ‘le dernier représentant d'une famille de paléographes’. Le mois suivant, le Bouquiniste Français a présenté ses condoléances syndicales en première page à la suite de l'attentat dont avait été victime Paul Doumer, président de la République.

Enfin, il a l'honneur de présider aux remises de la Légion d'Honneur à M.M A. Blaizot et E. Nourry (cf B.f du 17 déc 1932) en présence d'un des plus grands bibliophiles du moment, M. Louis Barthou, alors président du conseil; il sera assassiné deux ans après à Marseille, en même temps que le roi Alexandre Ier de Yougoslavie.

Sa présidence achevée, H. Picard fut nommé Président d'Honneur et jusqu’en 1957 ne manqua que rarement les réunions du bureau. Longtemps doyen de la librairie, il offre l'exemple même d'une vie entièrement consacrée aux livres avec 74 années de librairie dont 57 à son compte.

(à suivre....)

HISTORIQUE DU SLAM : DEUXIÈME PARTIE (1934-1957)